HISTOIRE

BOUGHERA EL OUAFI

Le 15 octobre 1898 est né Boughera El Ouafi, en Algérie, à Ouled Djellal, près de Biskra. On est à une époque où l’Algérie est organisée en départements français depuis la conquête en 1830. Boughera El Ouafi est donc français. Et pour la France, il remporte la médaille d’or du marathon aux Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam et c’est le premier athlète africain à remporter une médaille aux J.O.
Son service militaire se fait pendant la guerre. Il est intégré dans le 25ème régiment de tirailleurs….sénégalais.
Algériens, Sénégalais, c’est pareil, c’est de la bonne chair à canons!
Il a la chance d’en sortir indemne et en 1923, il participe à l’occupation de la Ruhr, région très industrielle de l’Allemagne, pour lui faire payer les désastres de la guerre.
Ses chefs ont repéré ses aptitudes à la course à pied malgré son aspect chétif. Il participe à des compétitions militaires. Cette fois, c’est un club civil qui le remarque. El Ouafi est donc engagé par le CASG : Club Athlétique de la Société Générale (il s’agit bien de la célèbre banque), club qui a été créé en 1903, dont le siège est au stade Jean Bouin, près du Parc des princes qui deviendra plus tard Roland Garros. A noter que déjà, pour ce stade, on a exproprié des jardins ouvriers !
En juin 1924, El Ouafi remporte le marathon de Paris en 2h51 (record actuel est de 2h). Avec un autre coureur de fond, Jean-Baptiste Manhès, il est qualifié pour participer au marathon des J.O. de Paris en 1924. Il termine 7ème de l’épreuve.
Mais voilà, Boughera est pauvre et la course à pied, à cette époque, ça ne fait pas vivre son homme. Il lui faut travailler pour vivre. Il trouve un emploi comme décolleteur chez Renault dans l’usine de Boulogne-Billancourt. Ce n’est pas l’idéal pour une préparation aux grandes compétitions. Néanmoins, le 8 juillet 1928, il remporte le marathon qui se déroule entre Maisons-Alfort et Melun. Il est donc retenu pour le marathon des J.O. d’Amsterdam qui auront lieu du 28 juillet au 12 août 1928. L’épreuve se déroule le 5 août. El Ouafi est loin d’être favori face aux stars de l’époque : l’Américain Joie Ray et le Japonais Komantsu. Il en est conscient et fait un départ prudent. Si bien qu’au km 21, il n’est que 7ème. Puis progressivement, il remonte et au km 32, il est 3ème. Et puis encore, il dépasse les favoris, partis plus vite, pour finalement remporter le titre olympique. Il est le seul Français et le premier Africain à recevoir une médaille d’or.
C’est aussi le constat pour la France que l’Empire est un réservoir d’athlètes!
Malheureusement pour lui, son exploit est peu médiatisé. Les Français des années 20 sont plus passionnés par le cyclisme et le foot. En plus, le modeste El Ouafi est peu préparé à la gloire et après son succès, il est vite abandonné à lui-même. Alors, lorsqu’il est invité aux Etats-Unis
pour participer à des meetings payés, il ne refuse pas. Il participe même à des courses contre des animaux (l’image du bon sauvage…). Seulement, rentré en France, il est exclu du Comité National Olympique et de la FFA (Fédération Française d’Athlétisme). Motif ? L’athlétisme doit rester amateur. Donc pas question de toucher de l’argent.
Avec ce qu’il a gagné aux Etats-Unis, il achète un café à Paris, avec un associé, près de la gare d’Austerlitz. Mais cet associé n’était pas fiable et El Ouafi doit trouver un boulot. Ce sera chez Alstom. Voilà qu’il est renversé par un bus et ne peut plus travailler. Il vit dans la misère et l’oubli, lui le champion olympique. Il lui faut attendre 1956, quand Alain Mimoun, d’origine algérienne lui aussi, vient de remporter le marathon olympique de Melbourne et est reçu par le Président de la République, René Coty. Grâce à son entremise, il lui trouve un emploi comme gardien de stade. Le quotidien sportif « L’Equipe » se réveille et lance une souscription pour l’aider à vivre.
Le 18 octobre 1961, Boughera El Ouafi est assassiné. Pourquoi ? Plusieurs versions.
Rappelons 
le contexte, c’est la guerre d’Algérie qui dure depuis 1954. La situation se radicalise et la violence augmente. La mort d’El Ouafi serait due à un mitraillage du FLN (Front de Libération Nationale) et il aurait été une victime collatérale.
Ou alors, est-ce à la suite d’une querelle 
familiale ?
Ou encore, a-t-il voulu s’interposer dans une rixe face à des tueurs qui en voulaient 
à sa sœur ? On ne le saura jamais. Son cas n’est pas apparu important à la justice qui avait d’autres chats à fouetter à une époque où De Gaulle était physiquement menacé.
Boughera El Ouafi a été enterré au cimetière musulman de Bobigny à côté de Paris.
Qu’a-t-il 
aissé à la postérité ?
Depuis 1998, la rue qui mène au stade de France à Saint-Denis, porte son 
nom. On a également donné son nom à un gymnase de La Courneuve et depuis 2022, à une piste sportive à Echirolles (Isère), ainsi qu’à une allée à Boulogne-Billancourt. Par contre, rien en Algérie sauf dans son village natal à Ouled Djellal.
Curieusement, la Corée du Nord a émis 
un timbre-poste à son effigie en 1978.
Quand même, l’historien Pascal Blanchard et le cinéaste 
algérien Rachid Bouchared ont fait un film « Champions de France » où il est question de lui.
Le commentaire est de Lilian Thuram qui a fait partie de l’équipe de France, championne du monde de football en 1998.
En 2018, Il est l’objet d’un documentaire sur Arte.
Enfin en 2021, 
Nicolas Debon lui a consacré une bande dessinée.
Il méritait bien au moins ça, Boughera El Ouafi.

Dans le calendrier républicain, le 15 octobre est le jour de l’amaryllis, plante bulbeuse à fleurs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.