HISTOIRE

JOSÉPHINE BAKER

Le 3 juin 1906, est née Freda Joséphine Mac Donald à Saint-Louis dans l’Etat de Missouri. On la connaît bien mieux sous le pseudonyme de Joséphine Baker. Fille d’artistes, elle est abandonnée par son père dès 1907. Elle passe son enfance entre école et petits boulots chez des gens aisés, car elle est l’aînée d’une famille pauvre. Dans un premier temps, elle est mariée à 14 ans avec Willie Wells, un joueur de base-ball, dont elle se séparera très tôt. Cependant, elle a des aptitudes pour la danse et elle fait vite partie d’un trio d’artistes de rue. Lors d’une tournée à Philadelphie, elle trouve à se remarier avec William Howard Baker qui travaille pour Pullmann. Elle conservera ce patronyme.

A 16 ans, elle quitte son second mari pour tenter sa chance à Broadway, rien que ça. Mais sa proposition est refusée. N’oublions pas qu’elle est noire et que dans les années 20, les Etats-Unis sont toujours ségrégationnistes. Après plusieurs tentatives infructueuses avec divers groupes, elle rencontre Caroline Reagan, épouse d’un haut fonctionnaire de l’ambassade américaine à Paris. On lui propose un salaire de 250 dollars si elle vient en France. Caroline et son époux montent un spectacle : « La revue nègre » où elle sera la vedette. Joséphine débarque à Cherbourg le 22 septembre 1925. Le 2 octobre, elle passe en 1ère partie de « La revue nègre » au théâtre des Champs Elysées. Elle y danse le charleston, encore inconnu des Parisiens, où son déhanché fait un tabac, comme on dirait aujourd’hui.

Là, Joséphine réalise que la France est moins raciste que les Etats-Unis. En 1927, elle obtient un contrat pour se produire aux Folies Bergères. C’est là qu’elle danse nue, avec une ceinture de bananes (artificielles) et accompagnée d’un guépard (un vrai), ce qui inquiète un peu l’entourage. Son impresario est devenu son amant. Alors, elle se lance dans la chanson : « la Tonkinoise » (pas sûr que ça passerait aujourd’hui ?) et « J’ai deux amours » (en fait, elle en aura bien plus de deux !). Si bien qu’en 1928, elle fait une tournée mondiale (il n’y a pas encore d’avions pour les voyages).

Dans les années 30, elle engage Jean Lion, un play-boy issu d’une riche famille d’industriels, comme secrétaire et…comme amant, puis mari. Le mariage dure peu, mais lui permet d’acquérir la nationalité française. C’est à ce moment-là que le couple loue un château du XVème siècle aux Milandes (commune de Castelnaud – Fayrac) en Dordogne, à une vingtaine de km de Sarlat.

Avec la guerre, elle rencontre Jacques Abtey, officier du renseignement et du contre-espionnage. Pour le camoufler, elle en fait son secrétaire artistique….et son amant. Elle se produit devant les troupes au front. Mais surtout, elle profite de sa notoriété pour être invitée dans des soirées mondaines où elle recueille des informations importantes, rapidement transmises à Londres. Elle embarque pour le Maroc où elle poursuit ses spectacles devant les troupes. Mais une méchante péritonite manque lui coûter la vie. Il lui faudra de longues semaines de convalescence. Lorsque les Américains débarquent en Algérie en novembre 1942, le commandement l’invite à se produire devant les soldats.

Elle avait obtenu un brevet de pilote d’avion en 1938. Forte de ce bagage, elle participe à des évacuations sanitaires. Toutes ces actions lui vaudront de devenir lieutenante de l’armée de l’air et de recevoir la médaille de la Résistance de De Gaulle lui-même. Médaille qu’elle revendra au profit des mouvements de Résistance. 

Après la guerre, elle devient ambassadrice de la haute couture française. Sur scène, elle se présente avec de magnifiques robes de Dior ou Balmain. En 1947, elle épouse Jo Bouillon, chef d’orchestre et compositeur qui l’accompagne dans ses spectacles. Mais à la suite d’une fausse couche qui s’est mal passée, elle ne pourra pas avoir d’enfants. C’est avec Jo Bouillon qu’en 1947, elle achète les Milandes, dont elle était déjà locataire depuis 1937 (sur les cartes du XIXème siècle, ce château s’appelait les Mirandes. Mais Joséphine ayant un problème avec la prononciation des R, c’est devenu les Milandes). Là, elle adopte 12 enfants de toutes origines (Jo Bouillon n’en voulait que 4). Elle l’appellera « la tribu arc-r-ciel ».

Les Milandes deviennent un lieu d’attractions diverses avec piscine (encore rare à cette époque), golf miniature, restaurant, bar, et bien sûr, salle de spectacle. Tout le monde vient aux Milandes, c’est le lieu, avec St-Trop’, où il faut être vu. Des touristes arrivent de toute la France, et même de l’étranger. Mais c’est surtout la « jet set » parisienne qui vient aux Milandes. De grandes stars s’y produisent: Gilbert Bécaud, Dalida, Jacques Brel, Luis Mariano, etc… Et dans leur sillage, de nombreux journalistes qui, par la même occasion ont découvert le Périgord.

Pour transformer ce « palais de la démesure », il faut aménager. Joséphine fait alors appel à des artisans locaux, souvent peu scrupuleux qui ont contribué à sa ruine, d’autant que Joséphine, si elle était une grande artiste, était une très mauvaise gestionnaire. Certains n’hésitaient pas à faire payer la même facture deux ou trois fois. On volait de la vaisselle, des couverts, des objets précieux. On a vu un électricien qui allait chez ses clients en vélo, avec la boîte à outils sur le dos, devenir propriétaire d’une magnifique maison surplombant la vallée de la Dordogne. On a vu une famille de plombiers devenir rapidement riche. Dans les exploitations agricoles qu’elle possédait, des animaux étaient déclarés morts, alors qu’ils étaient vendus au bénéfice des exploitants. Et ainsi de suite…Face à une telle gabegie, les relations entre Joséphine et Jo se sont dégradées. Les disputes se sont multipliées, de la vaisselle volait. Ils se séparent en 1957. Joséphine reste aux Milandes .

Et que pensaient les gens du coin de toute cette activité nouvelle, dans une région restée encore aux activités ancestrales, disons encore en retard ? Peu familiers avec la langue de Shakespeare, ils l’appelaient Joséphine Bakère, ou plus familièrement Joséphine. Ils étaient partagés entre agacement et fierté. Agacement, parce que dans cette région, jusque-là si tranquille, arrivaient tout ce monde complètement étranger aux habitudes locales. Fierté quand même de voir que de jour en jour, le Périgord pouvait être à la une des journaux et radios. Et comme toujours des bruits courraient, parfois vrais, parfois faux. Parmi les vrais: Jo Bouillon était homosexuel. Comme il avait des connaissances bien placées, les jeunes de la région qui voulaient éviter la guerre d’Algérie et allaient le voir. Ce qu’il se passait ensuite n’est pas forcément vrai. De toute façon, ma mère m’interdirait de le répéter. Ce qui semble vrai aussi : on finit par savoir que Joséphine était bisexuelle. Elle a eu pour amantes -entre autres – l’écrivaine Colette et la peintre Frida Kahlo. Evidemment, dans ce Périgord traditionnel, on en faisait des gorges chaudes avec des moues de réprobation.

Tout au cours de sa vie, elle a milité contre le racisme. Joséphine a même fait partie de la LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme). Elle sera aux côtés de Martin Luther King lors de son fameux discours du 22 août 1963 : « I have a dream ».

Ruinée, criblée de dettes, le château est mis aux enchères. Joséphine lance un appel pour le sauver. Emue par sa situation, Brigitte Bardot lui envoie un chèque important. La princesse Grace de Monaco en fait autant et l’invite même à se produire dans la Principauté. Jean-Claude Brialy la produit dans son cabaret. En 1964, elle remonte sur scène : l’Olympia, Belgrade, Carnegie hall à New-York, puis encore à Paris en 1974. Le 24 mars 1975, elle veut fêter ses 50 ans de carrière. Mais le 10 avril, elle est victime d’une hémorragie cérébrale et se retrouve dans le coma. Le 12 avril, elle décède à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière. Triste fin d’une grande artiste. De nombreux hommages lui ont été rendus ici et là en France et même à l’étranger. Puis finalement, le 29 novembre 2021, ce sera l’hommage suprême : l’entrée au Panthéon. Tout un symbole : femme, noire, d’origine étrangère….   

Pourtant, les Périgordins (habitants du Périgord, tandis que les Périgourdins sont les habitants de Périgueux) doivent beaucoup à Joséphine. Outre ceux qui se sont enrichis sur son dos, artistes et journalistes ont découvert et fait découvrir cette merveilleuse région, avec la vallée de la Dordogne (la « Grande Aygue » chère à Christian Signol dans ses romans). On redécouvre son histoire, ainsi que celles de tous ces châteaux médiévaux, Renaissance. Il y a tous ces villages, dont certains sont classés parmi les plus beaux villages de France, comme Beynac (prononcer Beïnac et non pas Bénac comme le fait Stéphane Bern), La Roque-Gageac, et un peu plus loin : Domme, Belvès, Monpazier, Montignac et Lascaux, Les Eyzies avec ses grottes et son musée de la préhistoire . Au milieu de tout cela, un trésor médiéval – comme il était annoncé au bord des routes – Sarlat, ses vieilles rues, ses maisons, dont celle de La Boétie, le grand ami de Montaigne, son église Saint-Sardos, sa place de l’Hôtel de Ville, envahie par les cafés et les touristes, et par le grand marché du samedi. Même l’architecte Jean Nouvel natif du département voisin du Lot-et-Garonne y a mis sa patte en transformant l’église Sainte-Marie du XIVème siècle en marché couvert, avec sa gigantesque porte.

Finalement, le Périgord est envahi par les touristes, on peut utiliser le mot. Il y a trop de monde dans les rues de Sarlat (e qui pose des problèmes de sécurité pour l’accès des secours), de Beynac, de Laroque-Gageac, de Domme. Trop de monde également sur des routes surchargées. Il en va ainsi pendant toute la saison touristique qui, maintenant s’étale sur presque 6 mois (de mai à début novembre). Evidemment, toutes les activités liées au tourisme y trouvent leur compte : restaurants, hôtels, commerces. Malheureusement, tout ce beau monde cherche plus à faire du profit que de la qualité. Par contre, tous ceux dont l’activité n’est pas liée au tourisme ne s’y retrouvent pas : augmentation des prix, difficultés de circulation, files d’attente dans les magasins devenus souvent moins accueillants, car débordés. Autre inconvénient: hors la saison touristique, beaucoup de magasins ayant fait leur beurre pendant l’été, ferment pour aller en vacances à Arcachon ou dans les Pyrénées, malgré des efforts de novembre à mai.

Le Sarladais (environs de Sarlat) ne semble pas avoir une grande reconnaissance pour Joséphine Baker. C’est elle qui, indirectement, a fait venir les touristes dans le secteur. Le seul souvenir est cette longue avenue Joséphine Baker qui traverse une grande et affreuse zone commerciale qui s’arrête au lycée du Pré de Cordy (qui ne porte même pas son nom), à la lisière des bois, avant que la route continue vers la Dordogne et Bergerac.

 

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