HISTOIRE

LE CORRIDOR DE SUWALKI

Le 7 octobre 1920 est signé le traité de Suwalki.
Ce traité, sous l’égide de la SDN (ONU d’après la 1ère guerre mondiale) concerne la Pologne et la Lituanie.
Puis ces deux Etats devenus indépendants, se disputent une frontière de 85 km au point d’entamer une guerre à laquelle la SDN met fin.
A la suite d’un différent, le 28 août 1920, la Pologne envahit la Lituanie qui fait appel à la médiation de la SDN.
Le conflit se termine le 10 septembre 1920 et détermine la frontière dans une région de forêts et de marécages.
Puis, on n’en parle plus … jusqu’au 16 juin 1940 quand l’URSS occupe les Pays baltes et la Pologne, tandis que l’Allemagne nazie envahit l’ouest de la Pologne, conformément au pacte germano-soviétique d’août 1939.
Donc les communistes sont amis-amis avec les nazis ! C’est un de ces contre-pieds dont l’histoire a le secret.
Mais le 22 juin 1941, Hitler rompt ce fameux Pacte et envahit l’URSS dont fait partie la Lituanie et la libère du joug soviétique.
Trois ans plus tard, après que bien du sang et des larmes aient coulé, l’URSS « libère » les pays baltes du joug nazi et en fait 3 RSS (République Socialiste Soviétique) qui viennent s’ajouter aux 12 autres.
La Pologne elle,  se voit imposer un régime communiste sur le principe de Moscou et est intégrée en 1949 dans le pacte de Varsovie (en réponse à la création de l’Otan à l’ouest de ce que Churchill a appelé le « Rideau de Fer »).
En août 1991, c’est la fin de l’URSS et les différentes Républiques qui la composaient, se déclarent indépendantes avec quelquefois des accrochages.
La nouvelle Russie accepte mal cette volonté de ses anciennes républiques, volonté de voler de leurs propres ailes.
On a dit aux pays baltes : « On vous a libérés en 1940 ». « Vous nous avez occupés en 1944 » ont-ils répondu. Et chacun disait vrai. Donc dialogue difficile…
De son côté, la Pologne s’émancipe et se tourne vers l’ouest en adhérant à l’OTAN le 12 mars 1999, puis à l’union Européenne le 1er mai 2004.
Quant à la Lituanie, elle adhère à l’OTAN le 19 mars 2004 et dans la foulée à l’UE, le 1er mai 2004 également.
Oui mais voilà, cette situation isole l’oblast (équivalent russe de nos départements) de Kaliningrad qui du temps de la Prusse s’appelait Königsberg, coincé entre Pologne et Lituanie.
Il est simplement ouvert sur la Baltique où les Russes viennent en villégiature l’été (les Russes supportent une eau inférieure à 20° pour se baigner). Cet oblast de Kaliningrad a une superficie de 15 000 km2 (à peu près 1 fois et demie le département de la Gironde), autant dire peu de choses pour l’immense Russie et ses 17 millions de km2. Là vivent 1 million d’habitants.
La Lituanie voisine en a 2,9 millions. Etant donné sa situation géostratégique, Kaliningrad surarmé constitue un coin dans l’OTAN et l’UE ; isolé, mais pas totalement, puisque ce fameux corridor de Suwalki le relie à la Biélorussie, amie et alliée de la Russie.
Une restriction quand même : les véhicules militaires ne peuvent transiter par ce corridor. En principe….
Seulement voilà, le 24 février 2022, cette situation prend un tout autre relief : la Russie vient d’envahir l’Ukraine. Du côté des pays baltes, dont la Lituanie, on s’inquiète car les similitudes sont grandes.
Comme l’Ukraine, ils ont fait partie de l’URSS. Comme l’Ukraine, il y a de fortes minorités russes qui se disent menacées, au moins dans leur culture. Comme l’Ukraine, ils ont été envahis par les nazis en 1941, croyant être libérés du stalinisme. Comme l’Ukraine, ils ont été libérés du nazisme par l’Armée rouge en 1944 et ont été intégrés dans l’URSS.
Alors, la guerre en Ukraine inquiète la Lituanie, séparée du reste des Occidentaux par ce fameux corridor de Suwalki. C’est elle qui est coincée entre Kaliningrad et la Biélorussie.
D’ailleurs, du haut des dunes de l’arrière-pays lituanien, on aperçoit Kaliningrad. Avec un frisson dans le dos. Comme pour exorciser un passé de soumission, dans les forêts qui longent ce corridor, les Lituaniens y ont rejeté tout ce qui rappelait le communisme : statues de Lénine, emblèmes, etc …
Aujourd’hui, la Lituanie et la Pologne qui ont oublié leur différent de 1920 sont amies et alliées, résolument tournées vers l’Occident.
Elles accueillent même des troupes de l’OTAN.
Mais elles sont séparées par cet étroit corridor. Que peut-il se passer face à un Poutine imprévisible et qui parle toujours de son arsenal nucléaire à des Occidentaux frileux?
L’histoire ne se conjugue pas au futur, encore moins au conditionnel.
Dans le calendrier révolutionnaire, le 7 octobre est le jour de la belle de nuit, fleur qui vient d’Amérique latine.

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